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Partir voler en Argentine, décembre 2002

par Michel Lacroix

Je reviens d'un séjour en Argentine. Nous étions dix français, avec comme but de visiter un (très petit) bout du pays, et de profiter de l'été austral, pendant l'hiver parisien. Notre voyage commence à Buenos-Aires. Avant d'arriver aux premières montagnes, il nous faut traverser la Pampa. On en profite pour s'arrêter à Bell Ville. Le treuil là-bas est une culture, il n'y a pas le moindre relief sur des milliers de kilomètres carrés. Chaque parapentiste du coin à un dévidoir dans son garage !

 

On part de la piste de l'aéroclub. Les treuils pilotés par le conducteur de la voiture. Celui-ci surveille le vol un peu par les rétroviseurs et surtout par la tension dans la corde. La chaleur est étouffante, près de 40° ! Les thermiques sont au rendez-vous, mais le plafond bas, et le vent fort, ne nous permet pas de faire plus de 15 bornes. La récupération est facile, la région est quadrillée de routes.

 

Quand le vent tourne, on part treuiller au départ de la Nationale ! On étale sa voile sur le bas-côté de la route, on regarde à droite et à gauche qu'il n'y a pas de voiture, et c'est parti ! Au bout de 200 mètres le treuilliste vous rappelle qu'il faut faire quand même attention à l'eucalyptus au bord de la route ! Exotique

 

Bell Ville est un petit paradis pour les pilotes de plaine, tout est à faire : le record local est de 70 Kms, et la fréquentation minime.  Ensuite, on quitte la Pampa, pour aller dans les montagnes, après Cordoba, à La Cumbre. Plusieurs sites on servi pour la coupe du monde. On part d'abord rejoindre Pablo, sur le site de Cuchi-Corral. Une seule voile en l'air, c'est Pablo qui s'entraîne. Le gars fait de la compète. Sigle « SAT » en extrados, ce n'est pas un amateur dans l'acrobatie !

Il se pose au sommet, vent fort, debout sur l'accélérateur, nous explique le site, ses pièges, les pompes à couillons, les possibilités de cross, etc. En fin d'après-midi, le vent se calme et les conditions deviennent douces pour un soaring du soir. La veille, les locaux volaient jusqu'à 22 heures ! Je décolle sans gants, en short et T-shirt (…) C onditions douces, thermiques larges, une restitution s'installe. Une école envoie deux élèves. Comme ça monte un peu partout, autant en profiter pour visiter.


Je tourne la tête vers le déco, la biroute a tourné de 90° et pointe vers un nuage noir, bas, pluvieux, à quelques kilomètres au Sud. Je regarde aux alentours, pas grand-chose d'inquiétant à priori. Du bleu, quelques nuages de chaleur. Partir vers le Nord. Comme ça, si le nuage se met à pomper là-bas, je serai au vent de l'atterro.

Je remonte le Rio, m'enfonce dans une combe, et je vois... toutes les autres voiles aux oreilles ! Un nuage noir en pleine formation se trouve au dessus de leurs têtes ! Sont tous en train de se faire aspirer !
Je décide de faire les oreilles, avant que cela n'arrive sur moi, même si je dois me poser dans le Rio. Sans les gants (…). En face, des voiles commencent à faire des vracs. Au sol, une voile atterrit et se fait
traîner sur 50 mètres. J'attrape les suspentes extérieures…

 

Mon vario s'affole. Le nuage est sur moi. Le vent aussi. Encore plus de suspentes. Pas moyen de chausser l'accélérateur. Plus grand-chose sur la tête, pourtant je suis ballotté dans tous les sens… ça monte toujours. J'envoie les 360 aux grandes oreilles. Plusieurs tours, ma voile accélère. Je serre les fesses et je pense à la bière qui m'attend ! Les suspentes me rentre dans la peau. Au bout d'une dizaine de tours, j'arrive à peine à zéroter ! Je ne tiens plus, je lâche tout. Mon vario reprend son chant aigu, ma voile fait fermeture sur fermeture. Au dessus de ma tête, c'est vraiment noir.

 

Je pense faire les B, pour pouvoir enfin descendre, mais je suis dans un
mixeur, et si on ne les fait pas symétriques, c'est le sketch assuré !
Même pas le temps d'attraper les élévateurs: ma voile fait une méga fermeture, puis rouvre et...le vario se calme ! Je sens soudain un air glacial sur mes épaules... ça plombe ! Je suis dans une dégueulante à -8 /  -10. Je suis content au début, mais ça descend un peu trop vite à mon goût !  J'essaye de sortir de là, mais j'ai vraiment l'impression de buter contre un mur. Nouveau 360 et je sort par derrière. Re-vrac, et je me retrouve la commande droite en dragonne, sous l'aisselle ! Pas le temps de m'occuper de ça, trop proche du sol et je me fais reculer. Le vent au sol, doit être de 50/60 Km/h ! Je rate un champ de 200m de long en le passant direct en marche arrière, avec tendance à trop freiner coté droit, du côté bras coincé ! Je fini dans des buissons épineux.

Je me détache rapidement et je pars à la recherche d'Audrey,que j'ai vue s'écrase dans les arbres. Je l'appelle... aucune réponse. Je cherche à retrouver ma voile et je me repère grâce au vario qui hurle tous seul ! Finalement Audrey n'a rien, juste sonnée. Le nuage disparaîtra comme il est venu. Les gens du coin et les volants n'ont jamais vu ça. Le nuage a formé en 5 minutes !! Aucun blessé, à part les égratignures aux épines et aux cailloux !  Moralité : je ne volerai plus sans gant !

 


 

Les deux jours suivants, un front orageux violent (et magnifique !) traversera la région. On ne volera pas. Les rivières débordent et nous restons bloqué dans un vallon, amortisseur du bus cassé. Chouette !

 

Trois jours plus tard, on décide de quitter le coin pour descendre dans le Sud. On arrive à Mina Clavero, site tenu par Mickey, parapentiste sympa tenancier d'un gîte et connaissant le coin comme sa poche. C'est un site de 300 mètres, en bordure de plateau, avec un super rendement thermique, qui permet de raccrocher une chaîne de montagne de plus de 200 kilomètres !

Les condors nous observent et nous font la nique. La chaleur fournie sa dose de thermiques. J'enroule parfois à moins de 20 mètres-sol. Dans ce cas, il suffit de choisir la couleur du rocher et pour descendre on choisit la rivière ! La navette vaut le coup : une vieille jeep, dans laquelle on entasse une dizaine de parapentiste, et qui parcoure le plateau, passant par des chemins les plus improbables. On reste quelques jours, dormant à la belle étoile, grillades et bière locale, bains dans la rivière et sieste entre les vols... le paradis !


 

Suite du périple: Merlo, encore plus au sud. C'est une chaîne de montagnes de 200 Kms de long, 1000 mètres de dénivelée, le long d'une vallée sans fin. B ivouac au bout d'une piste sur la crête, où Oreja. Le moniteur de l'école locale fait construire un bar d'altitude à 10 mètres du déco !

C'est sauvage, avec une vue fantastique. La météo est capricieuse et changeante. Quand ça vole, le potentiel est énorme, reposes au sommet à la clé. Si c'est trop fort dans les reliefs, on peut s'éloigner dans la plaine surchauffée qui fabrique des thermiques qu'on peut attraper à 50 m/sol. Quand on part en cross, le retour est facilité par le fait que la route longe la montagne [un bus par heure vous ramène à Merlo.  

 

En journée, les vols sont turbulents, mais le soir, les thermiques se calment et le soaring face au soleil couchant se fait magique. Plouf final possible de 1000m. La lune est presque pleine, on décide de faire un vol de nuit. Inoubliable. La chaleur monte encore de la vallée. Décollage vent de face. Du gaz rapidement, il suffit de se laisser charmer par la douceur du vol, la lumière de la lune et les étoiles derrière la voile. Les vols sont long, et pourtant trop court. Champagne à l'atterro !


 

On quitte Merlo, avec regret, en rêvant d'acheter un terrain dans le coin. Les hectares sont quasiment donnés, et ça vole tous le temps ! Pourquoi retourner à Paris ?

 

Retour à Buenos-Aires. Retour à Paris. Le froid, l'hiver.... Plein d'images dans la tête.

 

L'Argentine souffre en ce moment d'une image négative pas vraiment justifiée. Le pays endure une réelle crise économique, mais ce n'est pas la « guerre », comme le zoom qu'en fait la presse le laisse à penser. Les gens sont adorables et ne comprennent pas pourquoi les touristes ne viennent plus. Infrastructures et niveau de vie sont comparables à ceux de l'Europe. Le taux de change fait que tout y est deux fois moins cher qu'en France.    Et le parapentiste est forcément bien accueilli !

 

Hormis les quelques photos ici mises en ligne,
d'autres clichés sont disponibles sur mon www.michel-lacroix.com

A+ et bon vols à tous .


Michel L.

 

 

 

  

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